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Entretien avec Maître Christophe Duclos, CEO de Global Fencing Masters

Entretien réalisé par Joël Girod, le 15 décembre 2020, avec la participation de Michel Olivier, président de l'Académie d'Armes de France.


AAF : Pouvez-vous nous raconter votre aventure, votre rapport avec l’Académie d’Armes de France (AAF) et comment est-on un académicien de l’autre côté de l’océan ?


Christophe Duclos (CD) : Tout d’abord, c’est un honneur d’être membre de l’AAF et de la représenter à l’étranger.

Je suis parti de France en 2005 pour pratiquer ma passion, pour enseigner, pour entraîner. J’ai commencé par les pays du Moyen-Orient, l’Asie et, pour continuer l’aventure, je suis désormais installé aux États Unis.

Partout, depuis plus de 15 ans, on observe un véritable intérêt pour les maîtres d’armes français.


On peut se demander d’abord pourquoi, puis, très vite, on se rend compte que les publics dans le monde ont un intérêt croissant pour l’escrime. Mais on s’aperçoit qu’après avoir été escrimeurs ils se retrouvent entraîneurs sans avoir forcément, ni l’ouverture d’esprit, ni toutes les compétences que la France et son Histoire nous permettent d’avoir.


Donc, si on est passionné par l’escrime on ne peut qu’être ravi d’être le porte-parole de l’AAF et d’essayer de faire encore mieux son travail de messager.


AAF : Être académicien est-ce un atout qui assure une meilleure promotion de la discipline en tant qu’entraîneur, en tant que coach, le terme de Maître d’Armes n’existant pas aux États Unis ?


CD : C’est un atout que j’ai réalisé depuis 4 ans. En effet, en tant qu’entraîneur au sein d’une université américaine, je pratique durant une saison assez courte me permettant un recul que je ne possédais pas pendant les 12 ans où j’exerçais en tant qu’entraîneur national ou au sein d’un gros centre d’entrainement aux États Unis. Je n’avais pas réellement l’opportunité de faire de la formation de cadres. J’en faisais tout de même un peu quand on me demandait de participer à des formations avec les Fédérations de Jordanie, du Qatar ou en Chine pour des Provinces et des clubs privés, et aux États Unis avec la Fédération américaine des coaches.


En 2016, j’ai décidé de « remercier » le monde de la compétition à temps plein (rire) et à me vouer presque corps et âmes à la création d’une structure « Global fencing masters » qui, justement, réunirait les compétences françaises sur le sol américain afin d’offrir, à ceux qui le veulent et à l’Académie des coaches américains, la possibilité d’apporter une formation beaucoup plus complète et surtout pédagogique avec une approche similaire à celle de France, mais adaptée aux principes du business américain.


AAF : Vous êtes dans quelle université?


CD : Je travaille à Duke University (Durham, Caroline du Nord). Elle bénéficie d’un remarquable classement mondial, elle se situe dans le Top Ten, tant en termes de diplômes, de prix Nobel, que de débouchés vers le monde du travail.


Le Head coach est français. Il s’agit d’Alex Beguinet qui a créé, il y a environ 35 ans, ce programme d’escrime. Je le connaissais de nom et le rencontrais sur les compétitions, mais je n’avais jamais réellement travaillé avec lui. La grande chance c’est qu’il était arrivé aux États Unis pour organiser la formation de cadres américaine. C’était le «Monsieur formation référent ». Et cela tombait à pic car, avant qu’il me propose ce job, mon projet était de créer ma propre société pour faire de la formation de cadres en lien avec l’Académie des coaches américaine tout en la reliant à l’Académie d’Armes de France.


AAF : l’Académie des coaches américaine a quel statut ? C’est une structure privée de type associatif ? Qui en est membre ?


CD : Tout à fait. L’USFCA (l’US Fencing Coaches Association) est agréée par l’Académie d'Armes Internationale. Elle est donc, à ce titre, habilitée à assurer la formation de cadres sur le sol américain. Son objectif est également de fournir un cadre de compétence et de sécurité. Elle représente la corporation des enseignants notamment auprès des instances olympiques et universitaires pour tout ce qui est la parité dans le sport, la sécurité dans la pratique du sport et l’éthique sportive.


Il y a énormément à faire avec l’USFCA. Comme toute année olympique, de nouvelles élections ont eu lieu à la tête de l’USFCA. Un nouveau président a été élu. Je le connais très bien. Il a travaillé sous mon aile à Portland, au centre d’entraînement de la Côte Ouest. Il s’agit de Cody Mattern qui est un épéiste, champion du Monde en 2012 par équipe.


Et nous possédons une commission des certifications et des accréditations pour les entraîneurs avec laquelle je coopère pour faire évoluer le cursus de formation des entraîneurs aux États-Unis.


L’état des partenariats

Michel Olivier (MO) : Quand nous avons signé en 2019 une convention entre l’Académie d’Armes de France et ta société, on nous a fait remarquer qu’on tentait de délivrer des diplômes aux USA de droit américain, alors que ce n’était pas le cas.


CD : Tout à fait. En réalité, une convention a été signée entre ma société et l’USFCA, et une autre toujours entre ma société et l’Académie d’Armes de France. De la sorte, je suis, avec mon équipe, référent en tant que jury de validation des compétences pour l’Académie américaine et l’Académie d’Armes de France.


Nous offrons donc quelque chose d’unique. A chaque certification, à chaque examen, les participants, s’ils valident leurs compétences, ont alors la double certification. Ils ont la certification américaine et ils ont une reconnaissance pédagogique grâce au diplôme de l’AAF. Et il est bien expliqué que ce diplôme n’est pas professionnalisant sur le territoire français.

MO : Il y a, me semble-t-il, un partenariat avec la Fédération française d’escrime (FFE).


CD : Alors, j’ai essayé de m’en rapprocher via un ami, le responsable de la formation de la région Rhône Alpes : Luc Tuloup. Nous avons l’été dernier travaillé un peu ensemble. Nous avons essayé de voir quoi faire avec la FFE. Or, elle est liée aux obligations du Ministère des sports qui impose une obligation de délivrance de 600 heures dispensées en français pour passer à un brevet de formation professionnelle. Mais ce n’est pas ce qu’on entend délivrer. On est d’accord.


MO : On est d’accord. Il s’agit bien des diplômes fédéraux animateurs et éducateurs d’escrime ?


CD : Tout à fait.


MO : Bruno Gares étant ouvert également à ces sujets, l’idée de formaliser un accord entre la FFE, l’AAF et l’offre de Christophe Duclos peut donc totalement s’envisager. Des discussions doivent pouvoir s’entamer.

CD : Si on parle de l’avenir, même à court terme, je suis un fervent supporter de l’idée qu’il faut trouver le moyen de discuter avec le nouveau président de la FFE pour qu’ensemble on approche la Fédération internationale d’Escrime (FIE) qui propose également des stages de formation pour les cadres à l’étranger.

Dernièrement elle offrait également une formation à des entraîneurs étrangers en Hongrie, une fois par an, pendant 2 mois. Mais ce format était très contraignant : un seul entraîneur par pays était autorisé à participer à cette formation, contraintes financières et de temps, même si la Fédération Internationale prenait en charge les aspects financiers.


On a donc quelque chose à leur proposer en tant que FFE et AAF associées à une structure assurant le liant avec les États-Unis afin d’offrir une formation des cadres des pays émergents notamment.

Depuis que nous sommes entrés dans la pandémie, je travaille depuis bientôt un an avec notre équipe de maître d’armes français et la Fédération américaine à un nouveau concept de formation pédagogique d’entraîneur d’escrime, d’éducateurs, de fencing coach.

Je viendrai donc vers vous pour que nous validions ensemble ce nouveau concept de formation en ligne.


Un concept de formation en ligne


MO : Ah oui. Carrément ?


CD : Nous avons déjà le « niveau I – moniteur » qui est prêt à être validé début janvier aux États Unis. Si tout va bien, ce sera une grande nouvelle que nous annoncerons, après votre validation, début 2021.


C’est un outil fantastique qui sera toujours améliorable et qui nous mettra sur le devant de la scène. En proposant toute une flexibilité de formations aux gens qui sont aux quatre coins de la planète pourvu qu’ils aient une connexion internet.


AAF : Ce sont des tutoriels en fait ?


CD : Exactement. C’est ce qui se passe d’ailleurs déjà au sein des universités américaines. Je l’ai transposé.

Nous servons ici la communauté de l’escrime tout entière en offrant ce format accessible à tous, utilisable à tout moment en fonction de son agenda. De plus, il reste très accessible financièrement parlant.

L’AAF, en soutenant ce projet, soutient donc aussi l’innovation dans la formation des enseignants de l’escrime.


AAF : L’accès au tutoriel serait réservé ?


CD : L’accès au tutoriel est possible via une plateforme où tout est organisé.

Vous avez un premier tutoriel gratuit de démarrage puis il faut s’acquitter d’une cotisation pour accéder aux niveaux de formation selon les armes et, sur option, à la certification.

Cette cotisation serait due en l’occurrence à l’Académie.


MO : Comment s’opère la certification finale ?


CD : Je suis partisan d’une inscription en ligne pour son examen pratique. Le candidat reçoit ensuite dans les 24 h son sujet et doit s’enregistrer en train de donner la leçon individuelle et la communiquer sous 24h.

Grâce à l’outil nous revoyons la vidéo avec le jury, quel que soit l’endroit de la planète où se trouvent les membres, et nous nous connectons en zoom, ou via WhatsApp, pour commenter le travail enregistré par le candidat et lui demander de retravailler tel ou tel point. Le candidat doit alors opérer un nouvel enregistrement.

Cela devient une formation continue avec un examen final comme on l’a en France.

L’élève maître poursuivra donc sa formation au fur et à mesure des retours avec le jury jusqu’à obtenir sa certification.

Un outil qui rompt l’isolement adapté aux besoins des nouveaux enseignants


AAF : C’est aussi un outil de rupture de l’isolement de certains ? Notamment pour les jeunes diplômés enseignants qui peuvent être livrés à eux-mêmes au démarrage de leur pratique.

CD : C’est un point essentiel. Par exemple, on se sert de l’outil pour des coaches en Chine qui sont très performants, mais qui n’ont jamais eu de formation alors qu’ils ont des centaines d’élèves et qu’ils ne savent plus comment évoluer. Leur directeur de centre ou eux-mêmes adhèrent donc à notre système vidéo. Nous leur proposons de travailler sur leurs objectifs, leur planification d’entraînement (et cela peut concerner du très haut niveau). L’entraîneur peut être alors connecter à sa communauté et ouvrir les yeux sur sa façon d’être, sur ce qu’il pourrait éventuellement apporter pour avoir plus de plaisir à enseigner et à être plus performant.


AAF : Donc, c’est personnalisé ?


CD : Cette formation en ligne est complètement personnalisée !

Pour avoir passé mon monitorat, mes 2 prévôts, ma maîtrise d’armes 1er degré, 2ème degré, mon professorat sport, je peux vous dire que lorsque vous arrivez en tant que professeur dans une salle de sport, d’escrime, de classe et que vous avez 15 à 30 personnes parfois fatigués de leur déplacement, voire peu motivés, vous pouvez avoir du mal à capter les attentions et à répondre au besoin de chacun.

Dans la formation en ligne, vous pouvez avoir 150 personnes qui suivent le même cursus de formation et pour lesquelles on individualisera ce qu’il faut adresser à chacun au plan technique et théorique sous forme de vidéos adaptées. Quant aux candidats, ils seront en mesure de rendre leur travail lorsqu’ils en auront la possibilité et la motivation pour le faire.


AAF : Mais pouvez-vous réellement faire face à la croissance des demandes des candidats en cas de succès d’une telle formation à distance ?

CD : Je suis totalement serein vis-à-vis de l’équipe pédagogique puisque c’est de cela dont vous parlez. Nous avons le réservoir de l’AAF et cela me rassure totalement.


J’ai déjà sur le sol américain des entraineurs français, des éducateurs sportifs 1er degré, des Maîtres d’Armes qui ont une expérience unique en ayant été formés à Antibes comme Maître Beguinet ou Maître Auriol, qui sont tout à fait à l’aise pour se connecter durant une heure afin de discuter autour d’une vidéo d’escrime, de la commenter et de la reposter.

Donc finalement, nous possédons le réservoir de compétence aux trois armes, avec des niveaux de compétences et d’exigence importants. On n’ira peut-être pas voir Daniel Levavasseur pour revoir la vidéo d’un moniteur. Mais si on a 150 vidéos par jour, on pourra sans doute organiser un agenda.

Quelle langue pour une formation internationale ?

AAF : La langue de référence sera sans doute l’anglais ?


CD : Tout à fait. Le tutoriel est actuellement en anglais pour toucher le maximum de personnes mais pourrait très facilement se décliner en français ou espagnol dans le futur.


La formation vidéo se veut toutefois pratique sous forme de visuels condensés qui traitent de petits « blocs » et non un large cours magistral tel que « l’ensemble des actions offensives » par exemple. Nous traitons un tel thème sous forme de petits « blocs » sur « les actions simples », puis « les actions composées » …

Ceci permet de mieux digérer la formation et peut être traduit très facilement.

MO : Il faudra effectivement des modules avec traduction. La langue de l’escrime est le français. A l’international, que ce soit en anglais, bien entendu. Mais il faut au moins sur le territoire français qu’on parle tous le même langage.

J’entrevois également une autre chose intéressante en ce qui concerne cette formation en ligne.

Je vois ici aussi qu’il y a une opportunité de remise à niveau grâce à ce genre de formation à distance pour les enseignants qualifiés. Une formation continue par exemple. Mais on doit tous parler le même langage. Pas la même langue. Mais des mêmes choses de la même manière.


CD : Tout à fait d’accord. Et quand on s’adresse à la communauté internationale il est effectivement très important de s’accorder sur les terminologies utilisées. Quand j’interviens en Chine ou en Amérique Centrale, pour illustrer ce propos, je constate que certains n’ont jamais appris à faire la différence entre une attaque simple et une attaque composée.


MO : Voilà, c’est un point essentiel : avoir un langage commun au niveau international sur les actions d’escrime.

CD : Il me semble, qu’à partir du moment où on possède un tutoriel en ligne, présentant de façon concise la formation traduite en français, en anglais et en espagnol, c’est-à-dire exprimée dans les langues qui sont le plus parlées, les utilisateurs seront intéressés par la compréhension de l’expression utilisée pour définir l’action d’escrime.


AAF : Le vocabulaire des arbitres internationaux n’est-il pas d’ores et déjà celui qui est le plus accepté globalement ?


CD : Si, mais la difficulté est que l’arbitre international hautement qualifié parle d’abord avec ses mains.


MO : Et l’arbitre découpe une action, mais il n’est pas là pour l’enseigner. Le langage n’est donc pas exactement le même.


CD : C’est tout à fait mon avis.

Dans notre cercle d’experts au sein de Global Fencing Master, on a un arbitre international canadien, fleurettiste français d’origine, Pierre-Olivier Bontems, avec qui nous travaillons sur la compréhension de la phrase d’armes. Et pour des étrangers parfois, dans l’analyse de match, il n’y a pas de différence entre une « parade riposte » et une « contre riposte ».


MO : C’est un beau projet pour tous.


CD : Je suis très enthousiasmé de pouvoir présenter cette première mouture en 2021. Sachant qu’il y aura des améliorations à apporter. Et grâce à toutes les compétences de chacun, notamment au sein de l’Académie.

Je crois qu’il est important de lancer une dynamique dès maintenant pour commencer à offrir à la communauté internationale un outil malléable et accessible, ce qui apporte également un atout supplémentaire pour l’Académie d’Armes de France.


Notre partenariat existant a été affecté l’année dernière par l’annulation des stages communs entre nous et l’AAF. Ils étaient jusque-là logés à l’Université de Duke qui supporte tout le temps des programmes liés à l’éducation.


Ceci étant, entre 2018 et 2020 nous avons tout de même certifié 22 moniteurs, 5 prévôts et 4 maîtres. Ils viennent d’Asie, de Chine, d’Australie, de Colombie, des États-Unis, du Canada. Malgré le coût du transport, du logement, de la formation pédagogique, de l’examen final, on a vu l’intérêt important suscité par cette offre.

C’est là que l’idée de fournir la formation en ligne est devenue une évidence face aux demandes qui ne pouvaient pas être satisfaites pour des raisons de visa ou politiques et économiques. C’est le cas des ressortissants de Cuba ou du Venezuela par exemple.

Avec le soutien de l’Académie d’Armes de France, en allant auprès des instances internationales (AAI et/ou FIE) pour soutenir ce projet de formation à distance grâce au support vidéo et au système de vidéo conférences, l’escrime montrerait une image très moderne de notre sport et bien plus accessible !


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